Fraîcheur au jardin
Convaincu qu'il valait mieux se retrouver dehors, histoire de
respirer un peu, dans la fraîcheur d'une journée d'automne, les
naseaux ouverts, je me suis couvert pour respirer l'odeur de la
terre, des feuilles mortes et des branches nouvellement coupées.
J'ai fait une belle taille d'hiver à l'églantier.
Il y a comme un air de fête, un air de préparatifs, où il fait
tellement froid dehors que la chaleur nous remue l'intérieur lorsqu'on
franchit le seuil. A midi, tartiflette et jambon purée le soir,
comme quand j'étais petit.
Cliniquement vôtre
J'adore aller à la clinique Claude Bernard d'Ermont. Jamais je
n'ai ressenti le fait d'y aller comme une contrainte, bien au
contraire, mais comme un générateur d'ambiances. Les visites chez
le gynécologue, les échographies, les cours d'accouchement et
la soirée d'accueil, les radios du bassin de mon zouzou et les
visites chez le pédiatre. Mais avant tout c'est l'accouchement
que j'ai adoré. Le fait de se trouver seul face à la machine à
café du rez-de chaussée, dans les lumières tamisées d'une clinique
qui dort. Un point culminant: le 17 janvier dernier, lorsque je
me suis retrouvé seul dans la chambre avec mon bébé qui dormait
dans mes bras, contre moi, et moi, je me suis endormi, serein
avec lui contre moi. On a attendu longtemps chez le pédiatre;,
il faisait chaud, mais qu'est ce que je me sentais bien !!
Première clémentine de la saison.
Un mal de ventre terrible m'assaille après manger.
Le zouzou a passé sa soirée à pleurer....
Histoire d'Abdal Motallab le
sage - Comte de Caylus
Convaincu de tout ce que la belle Zesbet m' avoit dit, et persuadé
que l' homme sage doit être absolument soumis à la providence,
je partis. Celui qui croit en dieu, ne doit point regarder derrière
lui... cependant je n' avois aucun pays déterminé pour le voyage
que j' entreprenois. Mais dieu étant par-tout, et Mahomet, qui
vive à jamais, reposant dans le sein de sa gloire, tous les chemins
me parurent égaux. Je pensai seulement que dieu se manifestoit
plus difficilement dans les villes, et qu' ainsi je devois les
éviter et chercher les déserts. Je les parcourus long-tems avec
des peines infinies, sans être rebuté par les fatigues, les ennuis
et la mauvaise nourriture. Enfin, au bout d' un certain tems,
je rencontrai un ange, je le saluai profondément ; je lui demandai
des nouvelles de Mahomet. Il me répondit : il n' est pas tems
encore d' en instruire les hommes ; qu' il te suffise seulement
d' avoir trouvé grace devant dieu qui t' a permis d' arriver jusqu'
ici, et prépare-toi à voir de grandes merveilles ; continue ton
chemin. Avant de suivre ses conseils, je fus frappé de son attitude.
Il avoit un bras étendu du côté de l' orient, et l' autre du côté
de l' occident. Je le priai de m' apprendre qui il étoit ; voici
ce qu' il me répondit : je m' appelle Nourkhail ; le jour et la
nuit me sont confiés. Je tiens le jour, continua-t-il, dans la
main droite, et la nuit dans la gauche ; je maintiens l' équilibre
entr' eux, et je suis obligé de me servir de toute mon autorité
pour le conserver : car si l' un ou l' autre l' emportoit, l'
univers seroit ou consumé par les feux du soleil, ou périroit
par le froid dans l' horreur des ténebres. Je remarquai, pendant
qu' il me faisoit ce récit, une table que cet ange avoit devant
les yeux, sur laquelle étoient gravées deux lignes, l' une blanche
et l' autre noire. Je lui demandai de quelle utilité elle lui
pouvoit être, et il eut encore la bonté de me répondre : je regarde
continuellement cette table, et ces deux lignes m' apprennent
quand je dois augmenter ou diminuer le jour ou la nuit ; elles
m' instruisent encore des différentes variations que je dois donner
à l' un et à l' autre. Je le remerciai de ce qu' il m' avoit appris,
et je le quittai. Je l' avois à-peine perdu de vue, que je rencontrai
un autre ange qui étoit debout, ayant une main levée vers le ciel,
et l' autre penchée sur l' eau. Il m' apprit qu' il se nommoit
Semkail. Mais pourquoi, lui dis-je, êtes-vous dans cette attitude
? Je tiens, me répondit-il, les vents en respect, avec la main
que vous voyez en l' air, et j' empêche sur-tout le vent Haidgé
de sortir du ciel ; si je lui en laissois la liberté, il réduiroit
tout l' univers en poudre ; avec la main que je tiens sur l' eau,
j' empêche la mer de se déborder ; sans cette précaution, elle
couvriroit toute la surface de la terre. En achevant ces mots,
il me fit signe de continuer mon chemin. à force de marcher, j'
arrivai à la montagne de Kaf, qui entoure le monde, et qui n'
est composée que d' un seul morceau de saphir vert. J' y fis la
rencontre d' un ange, qui me demanda ce que je voulois. Je lui
répondis : je cherche le prophete Mahomet, j' ai quitté mon pays,
j' ai parcouru la terre et les mers, sans pouvoir le trouver ;
je ne sais plus où le chercher, et le souvenir de Zesbet rend
ma recherche importune. L' ange me répondit : espère, et continue
d' avoir la foi. Daignez m' apprendre au-moins qui vous êtes,
repris-je avec douceur. Il me répondit avec autant de bonté que
ceux que j' avois rencontrés jusqu' alors : le grand dieu m' a
donné le commandement de cette importante montagne. à quoi peut
vous servir, lui dis-je, cette épée flamboyante dont votre main
est armée ? Lorsque dieu, dit-il, est irrité contre un peuple
et qu' il veut lui faire sentir le poids de ses vengeances, je
secoue les flammes de cette épée ; aussi-tôt la famine ou la peste
ravagent ses contrées ; souvent même je cause les tremblemens
de terre, dont tu as toujours ignoré la cause. Mais quand dieu
veut récompenser les hommes, c' est alors que je quitte cette
épée redoutable, et que l' on voit régner la paix et naître l'
abondance ; la terre devient féconde et prévient les desirs de
l' homme. Charmé d' entendre ces merveilles, j' eus la curiosité
de lui demander ce qu' il y avoit derrière la montagne de Kaf.
On y trouve, me dit-il, quarante autres mondes, tous différens
de celui-ci ; chacun d' eux a quatre cens mille villes, et chaque
ville quatre cens mille portes ; les habitans y sont exempts de
tout ce que les hommes souffrent, le jour y regne continuellement,
ta terre est toute d' or, et les extrémités de tous ces mondes
sont fermées par de grands rideaux ; les villes ne sont habitées
que par des anges qui chantent continuellement les louanges de
Dieu et celles de son prophete Mahomet. Les bontés de l' ange
me rendant plus hardi à lui faire des questions, je voulus savoir
ce qu' il y avoit derrière les rideaux dont il m' avoit parlé
; et il me répondit : tu me demandes ce que nous ne pouvons comprendre,
et nous gardons un respectueux silence sur ce que nous en pouvons
savoir. Tout ce que je puis en révéler, c' est que le peuple de
dieu est rassemblé en cet endroit, et que la puissance divine
s' y manifeste plus qu' ailleurs. J' admirai dieu avec lui ; mais
avant de le quitter, je le priai encore de me dire sur quoi la
montagne de Kaf étoit appuyée. Elle est placée, me répliqua-t-il,
entre les cornes d' un boeuf blanc nommé Kirnit ; sa tête touche
à l' orient, et sa queue à l' occident ; la distance qui se trouve
entre ses deux cornes peut être comparée au chemin que l' on pourroit
faire dans le cours de cent mille ans. Mais curieux de m' instruire,
je lui demandai pour dernière question, combien il y avoit de
terres et de mers, et dans quel lieu étoit l' enfer. Il y a sept
terres, me dit-il, et autant de mers ; l' enfer est également
sous les unes et sur les autres. Je le quittai après cette réponse,
et j' arrivai jusqu' au voile qui termine le monde. Je vis le
ciel au-dessus de ce voile, et l' eau au-dessous. Je remarquai
qu' il y avoit une porte fermée au milieu de ce même voile, et
que la serrure étoit scellée d' un cachet. Les deux anges qui
la gardoient consentirent à me laisser passer ; et marchant toujours
sur la mer, j' arrivai dans un lieu tel que je n' en avois trouvé
aucun dans le cours de mes voyages. Le premier habitant que j'
y rencontrai, fut un jeune-homme beau comme la lune lorsqu' elle
est dans son plein ; je lui demandai qui il étoit. Il me répondit
sans s' arrêter : celui qui vient après moi te le dira. Après
avoir marché un jour et une nuit, je trouvai celui dont le premier
m' avoit parlé ; il étoit beau comme la lune demi-pleine. Je lui
fis la même question, et toujours en marchant il me répondit la
même chose que le premier. Enfin, je rencontrai le troisième qui
ressembloit à la lune dans son premier quartier. Je le conjurai
de s' arrêter, il le fit, et me demanda ce que je desirois de
lui. Je répondis que les deux qui le précédoient m' avoient renvoyé
à lui pour savoir qui ils étoient ; et voici ce qu' il me dit
: le premier se nomme Israphil, et commande aux hommes ; le second
s' appelle Mikiail, et dispose des biens et des saisons ; je m'
appelle Gabriël, et je suis serviteur du Dieu tout-puissant ;
crois-moi, continua-t-il, retourne sur tes pas, tu ne peux aller
plus avant. Je ne verrai donc point Mahomet, répondis-je avec
douleur, et je suis pour jamais séparé de Zesbet ? Tu ignores
ce que tu as vu ? Me répondit-il, les desseins de Dieu sont incompréhensibles
; tu trouveras, ajouta-t-il, des consolations sur la terre. Je
le priai de m' indiquer le chemin que je devois prendre pour m'
abandonner encore à ma recherche ; il me le montra en s' éloignant
de moi. Après avoir marché prodigieusement long-tems, je me trouvai
dans une prairie d' une étendue immense ; elle étoit non-seulement
remplie de safran et d' anémones, mais elle étoit encore arrosée
de ruisseaux bordés d' une infinité de lions qui les défendoient.
Mes yeux s' attachèrent sur un vieillard assis sur un trône placé
au milieu de cette prairie ; il me fit signe d' approcher, les
lions auxquels je me présentai s' humilièrent devant moi et me
laissèrent passer. Je me présentai devant le trône ; ce vieillard
me reçut avec bonté ; il voulut savoir mes aventures, je les lui
contai ; et il me dit : tu vois la gloire dont je jouis par la
bonté du grand Dieu ; je suis le prince Daniel. Tu as été comblé
des graces du très-haut, continue de les mériter ; tu n' es pas
loin du terme, ne te décourage point. Mais, prince, lui dis-je,
qui daignez prendre autant d' intérêt à moi, combien y a-t-il
que je suis en chemin ? Les tems se sont évanouis dans les pays
célestes que j' ai parcourus, et je crains bien que Zesbet ne
soit plus engagée à moi. Il y a quatre ans moins quelques jours
que tu es absent de La Mecque, me répondit le vieillard. Quatre
ans ! M' écriai-je avec douleur. La mesure des tems, reprit-il
avec douceur, n' est pas facile à conserver, quand on est occupé
des choses mystiques, et les sages qui doivent en faire un bon
usage sont tranquilles quand ils sont employés pour acquérir des
connoissances. Adieu, continua-t-il, espère, prends ce chemin,
et console-toi par les grandes choses qui te sont réservées. Ces
paroles étoient nécessaires à mon coeur pour m' aider à soutenir
la crainte de trouver Zesbet infidelle ; Zesbet pour qui j' avois
toujours conservé l' amour le plus tendre et le plus pur, et qui
ne méritoit pas le sort cruel qu' il éprouve. Plein de ces idées,
je marchai encore quelques jours, et j' apperçus un très-gros
oiseau perché sur un arbre ; sa tête étoit d' or, ses yeux étoient
de saphir, son bec de perles, son corps de rubis, et ses pieds
de topaze ; il y avoit, sur le haut de cet arbre, une table bien
servie, et sur-tout en poisson. Je m' en approchai, je montai
sur l' arbre avec beaucoup de facilité, je saluai l' oiseau, et
je lui dis : vous êtes le plus bel oiseau que j' aie jamais vu.
Ensuite je lui demandai qui il étoit, il me répondit qu' il étoit
un des oiseaux du paradis, que dieu l' avoit envoyé sur la terre
avec cette table, pour tenir compagnie et manger avec Adam, lorsqu'
il avoit été chassé du paradis : depuis qu' il est mort, continua-t-il,
je suis demeuré ici par l' ordre de dieu, pour soulager les saints
voyageurs et les prédestinés, je ferai mon séjour ici jusqu' au
jour du jugement. Mais, lui dis-je, les mets qui sont sur cette
table, ne se corrompent-ils point ? Comment les remplacez-vous
quand ils sont gâtés ou qu' on les a mangés ? Ce qui sort du paradis
peut-il être altéré, me répondit-il ? Je lui demandai la permission
de me mettre à table, et l' ayant obtenue, je mangeai des mets
qui me parurent délicieux. Ensuite je voulus savoir s' il étoit
toujours seul. Il me répondit qu' Abouxlabas, un des plus grands
prophetes de dieu, venoit quelquefois lui rendre visite. à-peine
avoit-il cessé de parler, que je vis en effet paroître ce saint
prophete ; il étoit vêtu de blanc, sa barbe étoit d' une grande
longueur et d' une grande beauté, le plus beau gazon naissoit
sous ses pas. Il s' approcha de nous, et voulut savoir de moi
comment j' étois arrivé dans cet endroit ; il comprit par mon
récit combien l' envie que j' avois de me retrouver à La Mecque,
auprès de ma chère Zesbet, étoit balancée dans mon coeur par le
desir de voir le saint prophete. Je fus au désespoir quand il
m' apprit qu' il falloit marcher pendant cent cinquante ans pour
me retrouver ici ; cependant il m' offrit de me conduire. Je ne
puis y retourner, lui dis-je, sans avoir vu le prophete. Eh bien
! Continua-t-il, je vais examiner ce que je puis faire pour te
rendre service ? En effet, après avoir lu quelque tems dans un
petit livre qu' il tira de son sein, il me dit : ô homme prédestiné,
c' est à La Mecque que tu dois retourner, je puis t' y conduire
en cent cinquante mois ; et moi, reprit l' oiseau, je te ferai
faire le voyage en cent cinquante jours. Le prophete répliqua
: et moi je m' engage à t' y faire arriver en moins de six jours.
L' oiseau qui ne vouloit pas lui céder, dit qu' il m' y rendroit
dans une heure. J' acceptai sa proposition ; il chargea le prophete
Abouxlabas de faire en son absence les honneurs de la table, et
me fit couvrir les yeux. Mais à-peine étois-je monté sur son dos,
qu' il me dit d' ôter le bandeau qu' il m' avoit ordonné de prendre
; et c' est avec une extrême surprise que je me suis trouvé dans
ma cour. Cette joie n' a pas été de longue durée, continua-t-il,
en appercevant des hommes qui prétendent avoir autant de droit
sur Zesbet que le ciel m' en avoit accordé. Faites-nous part de
vos aventures, reprit Zesbet, en se tournant du côté d' Yarab,
et il commença en ces termes.
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