Indymédia {#antisémite} ?
Depuis quelques temps je tique, voir j "antique", car une nouvelle mode
vient d'apparaître : la mode de ceux qui sont contre, les "anti". Les "bobos"
(bourgeois bohèmes, pour ceux qui seraient passés entre les mailles de ce
vocabulaire) ont laissé place aux "no-nos" ceux qui s'opposent à quelque
chose, voir à tout : ils organisent des journées sans ("sans", tabac, achat,
ordinateur...), sont contre la guerre, la viande, le capitalisme, l'homme,
la femme, contre les frontières... le vocabulaire à base d "anti" fleurit
au détriment du "pro" comme si les nouveaux militants, activistes ne pouvaient
se positionner que contre... Ainsi on parle des anti-mondialistes alors
que la plupart des activistes se prononcent en faveur d'une mondialisation
intelligente qui ne soit pas uniquement dictée par les grandes firmes...
Un vocabulaire disparaît en faveur d'un autre basé sur l'hostilité... On
n'est plus pacifiste, on est "anti guerre". On n'est plus féministe, on
est "anti homme". On n'est plus misogyne, on est "anti femme". Ce remodelage
de notre paysage langagier fait qu'il devient difficile d'échapper à la
vague déferlante de l "Anti" mania. Quoi que l'on fasse ou dise, il suffit
maintenant d'exprimer une opinion pour être qualifié d "anti-quelque chose".
Par conséquent,des raccourcis de pensée et un certain manichéisme s'installent.
Si on considère que seule l'ONU devrait pouvoir décider d'attaquer un pays,
on est anti américain... De même si on souhaite que les palestiniens aient
le droit d'avoir un territoire afin de retrouver leur dignité, on est antisioniste
voir antisémite. Et puis comme les américains soutiennent les israeliens,
si on est contre l'intervention des américains en Irak, on est anti américains,
antisionistes et antisémite... La possibilité d'avoir un avis plus nuancé
est écartée. Etre un "Anti", c'est pas nouveau. En effet, les premiers "anti"
recensés dans le dictionnaire datent du XVIème siècle où l'on parlait d
"antichrétiens" (dont on parle encore, ceci dit). Plus qu'une apparition,
il s'agit là d'une résurgence. Ainsi, le fait d'être "antifrançais" ou "antiaméricain"
n'est pas une nouveauté, ces sentiments étaient déjà décrits au XVIIIème
siècle et enfouis (peut-être) depuis. Le préfixe "anti" est, à n'en pas
douter, très productif. Du coup, on peut le cuisiner à toutes les sauces.
La presse fait de ces néologismes à base d "anti" ses choux gras. Ca choque,
ça pète, ça interpelle et ça minimise parfois les problèmes de compréhension
... Ce sont les catastrophes et l'inquiétude de la population lambda (la
peur de l'insécurité et de l'inconnu) qui permettent aux media d'assurer
leur taux d'audience. Quoi de mieux dans ce cas que l'utilisation des "anti"
à tour de bras? S'il y a des "anti je sais pas quoi", c'est forcément qu'il
y a des gens mécontents et donc des manifestations (voire des émeutes, c'est
mieux) en prévision, c'est donc que le monde, que notre société vont mal!
Il faut vite que j'aille m'enquérir de l'insatisfaction de mes voisins et
concitoyens... Et puis si ça se trouve moi je suis un "anti", un rebelle!
Vite, il faut que je regarde les infos et que j'aille acheter mon journal
préféré... Le regard de la presse (recensement des "Anti-*" dans les journaux
: Libération, Le Monde, L'Humanité, L'Express) Crise de paranoïa aigüe?
Suis-je donc la seule à voir des "anti" partout? Un bon moyen de s'en assurer
est d'effectuer une petite recherche sur certains de nos journaux nationaux.
De façon totalement arbitraire, Libération, Le Monde, L'Humanité et L'Express
allaient être passés à la loupe. Le Monde :1237 articles depuis 1 an (il
y en a tellement que le moteur de recherche interne au site demande de préciser
les critères)!!