Vendredi 15 août
Dernier bain dans une mer pleine de méduses. C'est le jour du départ et il
fait encore chaud.
Nous rencontrons des Hollandais sur une aire d'autoroute. L'homme s'extasie
sur notre bébé car lui-même a sa petite fille qui dort à l'arrière de sa DS
break 1963. Il a aussi une Panhard 1964.
Nous passons par Brouage, Saint-Sornin, Sainte-Gemme, Sablonneaux, Nancras,
Corme Royal, Nieul lès Saintes. Toutes ces villes ont l'air de porter l'histoire
avec elles. Il faudra que je me renseigne.
Samedi 16 août
Je récupère Logan chez Jérôme, Paradox et c'est le départ pour la Bretagne.
Il fait frais, il fait calme, il fait silence, c'est la campagne.
Dimanche 17 août
Hourah, les vacances continuent ! Grand chambardement, trois lieux différents
depuis vendredi après-midi où nous étions encore en train de nous baigner.
Mon fils se tient assis, il commence à babiller sérieusement, surtout en passant
le revers de sa main sur ses lèvres. Il est de plus en plus beau et suscite
l'admiration partout où il passe. C'est "mon petit garçon". J'ai
l'impression que c'est ici - un lieu qui m'est tout de même relativement étranger
- que j'ai la
plus grande liberté et que je me repose le mieux.
Il fait une chaleur comme j'en ai rarement connu ici, mais pour nous qui venons
d'Oléron, où la température est montée à plus de 40 degrés, c'est plus que
supportable. Tout est si calme, les gens d'ici ne sont pas habitués à de telles
chaleurs, c'est la raison pour laquelle, ce dimanche, il n'y a pas un chat.
J'ai emmené deux livres, que je n'ai pas encore lu, et que je ne sais pas
si je lirai car j'ai remis la main sur les quatre premiers cahiers de mon
journal et je les ai emportés pour les relire, et voir ce que je vais pouvoir
décemment publier sur mon site. Je me rappelle qu'une des questions qui me
préoccupaient en 1995, c'était de savoir comment publier cet amoncellement
de mots, et alors qu'il ne semble pas que je savais exactement ce qu'était
Internet - j'avais une sainte horreur des ordinateurs -, la seule possibilité
était alors la publication papier - autant dire que ce rêve avait quelque
chose d'inatteignable quand on connaît cette jungle. Désormais, mon rêve s'accomplit.
A partir d'aujourd'hui, j'entâme les carnets de Bretagne et cela pour quinze
jours. Par la même occasion, j'inaugure une nouvelle interface qui met en
couleur ce thème (note après coup, 26 septembre 2003; je pense que ce ne sera
pas le cas).
A chaque fois que je viens ici, j'en ressors marqué, n'ayant plus envie de
rentrer et cherchant à échaffauder des plans pour m'installer ici définitivement.
En attendant, me retrouver ici me permet de construire mes projets pour l'année.
Même si sur les années précédentes, peu de choses concluantes en sont sorties,
j'ai tout de même monté l'Ourson Bleu qui a eu un succès fulgurant. Désormais,
il me faut préparer l'automne et Noël dès la rentrée.
Ici tout le monde dort. J'ai un peu le temps d'écrire.
J'ai commencé mon journal le lundi 13 novembre 1995. J'étais encore étudiant,
un peu fleur bleue, et encore très entâché de termes que j'utilisai alors
pour le travail, mais le style reste bon. Je m'étonne de voir tout de même
à quel point ce que j'écrivais alors pouvait être différent de tout ce que
je serais en mesure de faire aujourd'hui. Certes, je suis plus vieux de huit
ans, mais je ne suis plus aussi vif d'esprit, ni aussi pertinent. Si je retrouvais
cet état de grâce - et le temps qui permettait alors d'écrire autant - je
ferais certainement de grandes choses avec mon expérience. Aujourd'hui je
prends des notes pour être certain de ne pas oublier et mon caméscope me permet
de fixer certaines images sur ces mots.
Il faut que je pense aussi à mettre en ligne tous les textes que j'ai écrit,
mais avant cela, il me faut les rassembler, le travail est de taille.
Je ne sais pas si c'est le fait d'avoir le temps, ou plutôt la possibilité
de ne rien avoir d'autre à faire, mais je suis pris d'une frénésie d'écriture.
Cela dit, c'est certainement le fait d'être au calme dans un pays que je chéris
pour son authenticité.
Ici, rien ne semble à Paris, tout est "étranger" pour moi, alors
que je m'y sens chez moi.
Le bonheur comme un état de grâce, un moment inaltérable et précieux, pas
une heure, pas un jour ni même une vie... Seulement un moment qu'on ne peut
délimiter... une parcelle volatile qui se saisit au rebond.
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Dans le jardin, il y a une source en contrebas. Je m'approche de la source
pour en voir le fond et c'est une libellule qui s'envole en faisant bruisser
les brins d'herbe.
Dans la rue de Kerarzic, une digitale se fraie un chemin dans les orties sur
le bas-côté. De la camomille aussi... j'aime cet endroit et ce n'est pas un
hasard si mon petit garçon a dormi deux heures d'affilée. Il est tout calme,
assis sur sa chaise haute et se contente de regarder les saules torilleurs
qui se balancent dans le vent.
[21h04] Visite sentimentale à Tréguier sous la brûme et dans une brise marine.
Cette ville a toujours autant de charme, un charme sombre et austère. Achat
de moules de Pleubian chez Moulinet et de patisserie chez Adam. A la librairie
Tanguy, on est toujours aussi aimable, rien ne change. [21h07]
[22h46] Il semblerait que tous les vitraux de l'ancienne Ecole soient tous
brisés, la lumière y est claire. Je ne suis pas passé au port. Il y a quelques
années de cela, il y avait un vieux navire du nom de Baltisky22 qui avait
été mis à pied en raison de son état. A l'époque, les gens de Tréguier s'étaient
cotisés pour permettre à l'équipage de rentrer dans son pays... un bel exemple
de solidarité bretonne. Ce bateau avait un air mystérieux, presque fantômatique,
comme s'il revenait de l'enfer, d'une tempête inhumaine. [22h58]